Un entre-soi de possédant·e·s

Abstract
Lors d'une succession ou d'un divorce, les biens qui composent l'héritage ou le patrimoine conjugal sont distribués entre héritiers et héritières ou entre ex-épouses et époux. Rarement tranchés par l'institution judiciaire, ces arrangements patrimoniaux qui concernent les fractions possédantes de la société française (propriétaires d'un bien immobilier, d'une entreprise ou d'un minimum de capitaux financiers) se déroulent principalement dans les études et cabinets de professions libérales du droit (notaires et avocat·e·s), dont les trajectoires sociales sont étroitement liées à la détention d'un patrimoine. Les discussions à huis clos des arrangements patrimoniaux, dans les offices notariaux comme dans les cabinets d'avocat·e·s, réunissent ainsi des possédant·e·s. Du côté de la clientèle comme des professionnel·le·s, cette caractéristique commune n'empêche pas une grande diversité de positions sociales et de trajectoires. Nous montrons que les notaires et avocat·e·s ne semblent jamais aussi à l'aise pour jouer avec le droit que lorsqu'il·elle·s travaillent dans l'entre-soi, avec une clientèle choisie, mettant alors à disposition de leurs client·e·s différents outils juridiques ou marges de man uvre, au service d'un intérêt partagé : celui de la reproduction du capital économique, aux dépens d'une administration fiscale domestiquée. La maîtrise du droit dont disposent certain·e·s dominant·e·s se joue en grande partie dans le rapport au capital économique qu'ils partagent avec certaines professions libérales du droit. Ce rapport commun au capital économique s'avère fortement genré, et les arrangements patrimoniaux qui émergent dans les cabinets d'avocat·e·s et les offices notariaux se font généralement au détriment des ex-épouses et des héritières.

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