Abstract
Dans les représentations communes, les classes dominantes sont assimilées à ceux qui possèdent un important capital économique. Pourtant, la préservation et la reproduction de ce capital nécessitent des ressources et des compétences qui ne se réduisent pas au patrimoine ou au niveau de revenu, notamment lorsqu’il s’agit d’échapper à la contrainte fiscale. En l’espace d’un peu moins d’un siècle, ceux qui se situent en haut de l’échelle sociale sont passés d’une opposition à l’impôt frontale et collective, à des stratégies de résistance plus individualisées. À partir d’une enquête par observation réalisée dans plusieurs services fiscaux, cet article vise à montrer comment les contribuables les mieux dotés parviennent à domestiquer la règle fiscale en manipulant la frontière entre sphère professionnelle et domaine privé et entre optimisation et fraude fiscale. En retournant la règle à leur avantage, ils obtiennent du même coup la reconnaissance par l’État de la légitimité de leur capital accumulé.