Abstract
L’étude détaillée d’une monographie d’ouvriers parue au milieu du XIXème siècle montre à quel point l’écriture des sciences sociales se nourrit de traditions discursives variées. Sur le cas précis d’un « tableau » d’une communauté jurassienne, on peut déceler des inspirations diverses : pittoresque dans le sillage de Mercier, dramatique dans la lignée de Diderot, et savante suivant l’exemple de Villermé. La coexistence de ces « tableaux » dans un même texte de sciences sociales repose sur deux ordres de conditions. L’étude du premier suppose de ventiler la forme du « tableau » sur des niveaux d’analyse autorisant une comparaison des sciences sociales et de la littérature qui ne réduise pas l’un des termes aux présupposés de l’autre, et de décrire ainsi les compatibilités historiquement possibles entre chacun de ces niveaux de part et d’autre de l’aspiration scientifique. La détermination du second repose sur l’explicitation d’un ethos particulier, à la fois rhétorique et sociologique, jouant de ces possibilités différenciées de convergence discursive.