Abstract
Résumé: Depuis des siècles, les renonçants hindous et musulmans ont été désignés en Inde par le même terme arabefaqîr, qui signifie pauvre. C’est l’une des ressemblances entre hindous et musulmans qui ont été ignorées par les théories sociologiques, comme celle de Louis Dumont: elles ont construit des modèles complètement opposés des deux religions, la première étant décrite comme fondamentalement hiérarchique, et la seconde – indûment assimilée au christianisme –, comme intégralement égalitariste. Pour permettre la comparaison, et rendre compte des ressemblances historiquement attestées, cet article commence par attirer l’attention sur les impasses auxquelles conduisent de telles théories. La seconde partie étudie le marché mystique de l’Inde médiévale et produit des preuves hagiographiques, historiques et juridiques attestant que les renonçants des deux religions avaient de si nombreux traits communs qu’ils pouvaient être interchangeables. Ce qui nous a conduit, dans la troisième partie, à refondre l’approche sociologique. Nous inspirant de Max Weber, nous arguons que l’hindouisme et l’islam ont des conceptions comparables du renoncement: l’islam ne doit pas, sur ce point, être assimilé au christianisme, qui soulève des problèmes spécifiques.