La part du chamane ou le communisme sexuel inuit dans l'Arctique central canadien

Abstract
En arrière-plan de l'Essai de Mauss et Beuchat sur les variations saisonnières des sociétés eskimos (inuit) que l'anthropologie contemporaine ne sait pas très bien comment classer ou interpréter, et dont le dualisme saisonnier de la morphologie a surtout retenu, ne pourrait-on pas déceler l'influence de l'engagement politique de Mauss et sa prédilection pour un socialisme à visage humain ? Fasciné par l'intensité de la vie sociale des Inuit, que ce soit dans les domaines économique, juridique, religieux ou sexuel, Mauss n'hésite pas à parler à leur sujet de communisme économique et sexuel qu'il oppose à l'individualisme estival des familles conjugales. À la lumière de données ethnographiques récentes provenant de l'arctique canadien et concernant notamment l'échange inuit des conjoints, qu'il s'agisse d'échange restreint entre couples ou d'échange généralisé lors des fêtes du soltstice d'hiver, que Mauss considérait comme le summum de la communion sociale, on propose de dépasser le dualisme un peu réducteur de Y Essai, à l'aide d'une approche ternaire et hiérarchique inspirée en partie de L. Dumont. La figure du chamane « troisième sexe » et médiateur apparaît alors comme l'opérateur principal des échanges de conjoints, sur un fond de marquage sexuel imposé aux femmes, et de violence communiste faite aux jeunes, aux jeunes couples en particulier, qui se voient imposer le partage de leur production, de leur progéniture et de leur sexualité, au profit des gens plus âges, des hommes mûrs et surtout des chamanes. Individualisme et communisme se conjuguent alors, non seulement dans le jeu dualiste des saisons mais surtout dans une dynamique égalitaire des sexes et des générations, à travers la médiation et le pouvoir des nommes chamanes.