Abstract
À bien des égards, Les fous de Bassan, publié en 1982 par Anne Hébert, contribue à l’émergence de formes narratives nouvelles et annonce ce que sera l’extrême contemporain en littérature de langue française. Le prix Médicis qui l’a couronné rend hommage à cette inventivité, la structure très travaillée du roman faisant se succéder six récits : « livres », lettres et ce qu’à défaut de terme générique approprié on pourrait qualifier de rêverie posthume. Intitulée « Olivia de la Haute Mer », cette rêverie porte en exergue une citation de Hans Christian Andersen : « Ton coeur se brisera et tu deviendras écume sur la mer ». Anne Hébert réussit à articuler avec autant de fluidité que d’efficacité le mythe antique des sirènes ornithomorphes au conte moderne intitulé La petite sirène, créant un univers symbolique et poétique d’une « inquiétante étrangeté », où la sirène est tour à tour prédatrice et proie, appât et victime sacrificielle, ce qui lui permet, entre autres, d’interroger la féminité et les rapports hommes-femmes avec une remarquable acuité.