Abstract
Cet article observe la dynamique narrative du roman Frères, de David Clerson, publié en 2013 chez Héliotrope, comme une configuration créatrice d’épisodes reconnaissables et de motifs recyclés provenant tout à la fois des contes (naissance singulière, main coupée, enveloppement dans une peau de bête, odyssée, mort temporaire, etc.) et de scripts rituels à l’oeuvre dans les codes socioculturels qui régissent les manières de faire les jeunes garçons dans nos sociétés occidentales (rites de passage, « voie des oiseaux », ensauvagement). Contrairement au conte, qui organise des séquences d’actions rituelles accomplies et réussies, et à rebours du rite, dont la finalité est l’agrégation à la communauté, le roman met l’accent sur les échecs de la socialisation comprise dans son sens anthropologique comme une initiation aux différences des sexes et des âges. S’il s’alimente aux trésors des contes et aux logiques initiatiques, c’est pour dire et explorer, par des voies autres, la violence du réel, les difficiles traversées des gués dangereux de l’existence, la fin d’un monde et les désordres de la filiation.