Abstract
Dans la tragédie Hippolyte d’Euripide, l’existence du désir sexuel de Phèdre, ainsi que son expression, apparaissent comme une transgression des lois socio-naturelles régissant les rapports entre les femmes et les hommes dans la démocratie athénienne du Ve siècle. Cette conception de la sexualité féminine comme aberrante et criminelle transcrit corporellement la situation des femmes dans la société androcentrique qu’était l’Athènes de l’époque classique. Le caractère patriarcal que possède la tragédie grecque, et qui est illustré dans l’Hippolyte d’Euripide, a été mis au jour par les recherches féministes menées depuis les années 1970, ainsi que par les transpositions contemporaines créées à partir du corpus tragique antique, ces dernières offrant notamment une représentation différente de la condition et de la sexualité féminines. Trois femmes dramaturges ont transposé la figure de Phèdre sur la scène européenne au XXe et au XXIe siècles: Marguerite Yourcenar dans Qui n’a pas son Minotaure? en 1956/1957, Sarah Kane dans Phaedra’s Love en 1996, et Marina Carr dans Phaedra Backwards en 2011. Toutes trois usent du corps sexualisé des personnages, qu’il soit mis en scène ou décrit dans les dialogues, pour construire le propos de leur pièce. Toutefois, ces représentations présentent de nombreuses divergences qu’il est possible d’associer au rôle différent attribué à Phèdre dans chacune de ces transpositions. La caractérisation de l’héroïne apparaît en effet comme un révélateur de la place qu’occupent les problématiques féminines et féministes au sein des œuvres dramatiques transposées.