Abstract
L'auteure cherche à définir une expression transculturelle féminine à travers l'analyse comparative de sept romans postcoloniaux qui mettent en scène des relations mèrefille complexes dans des espaces physiques ou métaphoriques en Guadeloupe, en Algérie ou au Canada: Un plat de porc aux bananes vertes (1967), Pluie et vent sur Télumée Miracle (1972) de Simone Schwarz-Bart, L'espérance-macadam (1995) de Gisèle Pineau, La femme sans sépulture (2002) d'Assia Djebar, Des rêves et des assassins (1995) de Malika Mokeddem, L'ingratitude (1995) de Ying Chen et Le bonheur a la queue glissante (1998) d'Abla Farhoud. Dans sa discussion théorique, Connolly montre avec justesse l'apport des critiques telles que Maryse Condé, Lydie Moudileno ou Bonnie Thomas aux théories de la créolisation de Glissant, de la créolité de Bernabé et de la transculturalité de Wolfgang Welsh sur la question du genre. L'auteure définit ainsi une transculturalité féminine qui se manifeste dans des espaces littéraires "such as family kitchens, funeral homes, and busy cities. […]. This 'feminine' transculturality underscores the circuitous, often arduous manners in which women seek and find agency in culturally diverse contexts" (121). Voulant démontrer la spécificité de ces espaces postcoloniaux créateurs d'agence et de voix féminines, Connolly insiste, d'une [End Page 235] manière trop généralisante, sur la différence de la représentation de la maternité dans la littérature "française" (considérée comme non postcoloniale) uniquement à travers des écrivaines bourgeoises ou aristocratiques (Beauvoir, Colette, Duras et Madame de Sévigné): "motherhood in a postcolonial context carries burdens not often expressed in French literature" (31), ou encore "most Francophone authors do not portray traditional nuclear families, reflecting the phenomenon of single parenthood that so often reigns in some postcolonial societies" (23). La représentation de la maternité se distingue donc ici par les traumatismes du colonialisme ou de l'exil, les hiérarchies de cultures et les familles monoparentales. Le troisième chapitre décrit ces espaces naturels ou urbains, tel que le jardin pour la grand-mère chez Schwarz-Bart, qui devient un espace privilégié identitaire, ou le cyclone chez Pineau qui engendre, malgré son pouvoir destructeur, l'espoir et la reconstruction. Au contraire, dans Un plat de porc, Le bonheur a la queue glissante et L'ingratitude, ce sont les paysages urbains qui permettent le refuge dans l'écriture du journal intime ou le monologue intérieur. Enfin, dans le dernier chapitre, l'auteure explore différentes possibilités créatrices de l'espace du deuil. Le roman de Djebar met en scène un deuil public à travers le récit sur Zoulikha, qui s'est engagée dans la guerre d'Algérie et qui imagine une liberté possible pour sa fille. Dans le roman de Chen, le récit du suicide de la protagoniste principale pour échapper à sa mère autoritaire renoue la communication intergénérationnelle post mortem. Enfin, chez Mokeddem, la quête achevée de la mère inconnue, morte à Montpellier, permet à la narratrice d'imaginer son départ dans un pays tiers, hors de la France et l'Algérie. On conseillera l'ouvrage pour ses analyses détaillées de l'espace dans la continuité des travaux de Simon Harel.