Fonctionnement sémiotique et construction des modèles en chimie. Un cadre d’analyse peircien

Abstract
Notre contribution consiste en une analyse sémio-épistémologique du processus de la modélisation de la matière et de ses transformations, notamment pendant la période fin XVIIIe-début XIXe siècles. Nous mobilisons la théorie sémiotique de Peirce comme cadre d’analyse. En accord avec la définition de physiciens contemporains de la modélisation, cette théorie nous a permis de resituer le champ expérimental comme étant un ensemble de signes qui prolonge le théorique en même temps qu’il le fonde, dans un enchevêtrement spiralaire de triptyque SOI (Signe-Objet-Interprétant). Elle a permis par ailleurs de mettre en évidence la puissance tutélaire du signe iconique dans le raisonnement scientifique. Loin d’être signe d’une pensée primitive d’une quelconque époque lointaine, le signe iconique apparaît comme une véritable néo écriture, un instrument heuristique privilégié. Utilisé par les chimistes pour sonder la matière à la recherche d’indices sur une structure pouvant rendre compte de son comportement, il leur a permis, après de nombreuses controverses, d’aboutir à une structure particulaire, et de construire les concepts d’atome et de molécule. Cette sémiotique, foncièrement épistémologique, soutient que ces derniers ne sont que des signes hypothétiques permettant d’interpréter les réponses aux questions par lesquelles les chimistes ont interpellé des expériences conçues à cet effet. Par ailleurs, posant un nouveau regard sur l’histoire de la chimie, elle peut permettre de la transformer en un véritable laboratoire pour sa didactique. Le signe iconique pourrait alors être un maillon et un traceur de l’évolution de la pensée chimique chez l’élève comme il l’est chez le savant.